Ce qui serait pertinent pour un centre de formation obligé de se lancer dans le e-learning en urgence, à la suite d’une mise en quarantaine.
Article partiellement intégré dans une publication THOT, collective plurimédia (texte et dessin), coordonnée par Frédéric Duriez.
Quels facteurs de réussite ?
À situation exceptionnelle, notre réponse doit s’inscrire dans une certaine continuité ; c’est-à-dire maintenir, poursuivre et conforter la relation pédagogique, tout en l’adaptant. En présence ou à distance, cette relation sera toujours nourrie à la fois de bienveillance, d’écoute, d’aide, de suivi, d’exigence, de confiance et de la valorisation. Elle se renforce dans la multimodalité, d’une part avec un accroissement de la dimension distancielle, et d’autre part, avec à la fois les dimensions synchrone et asynchrone, individuelle et collective, pro-active et réactive. En France, le décret sur la FOAD (FOrmation tout ou en partie À Distance) rappelle que sans une double « assistance » (technique et pédagogique), une action ne peut pas être retenue comme une action de formation. La question de l’accompagnement reste au centre de la qualité des dispositifs à distance, avec donc, une attention portée sur le rapport entre le nombre d’apprenants impliqués et les ressources humaines assurant le suivi.
2) Quelles pistes pour les supports ?
La question des supports renvoie d’abord à la nature de la « pédagogie intégrant la distance » retenue. Un mix de pédagogie transmissive (centrée sur les contenus) et de pédagogie active (fondée sur les activités des apprenants) peut permettre de donner du sens à la mise à distance forcée. Dans un souci pragmatique, la conception, puis l’envoi de fiches pédagogiques à un groupe d’une vingtaine d’apprenants (1), est une piste fertile. Sur «la règle des quatre C» que j’ai testée et mise en place pour mes propres actions de formation à distance sur la multimodalité, chaque fiche rassemble quatre types d’information, celles concernant :
- le Cadre de la situation
- des Consignes
- des Conseils
- et enfin, pour faciliter l’usage des outils digitaux associés, des informations techniques utiles du type « Comment ça marche ? ».
Il s’agit d’organiser, dans une autonomie optimisée, un travail de découverte, de recherche, de synthèse, devant aboutir à une production tutorée individuelle ou collective, souvent elle-même numérisée. À une fiche, rédigée avec un simple outil de traitement de texte, est associé un objectif pédagogique principal, avec une ou plusieurs activités, à partir de l’exploitation de ressources numérisées questionnantes. Elles le sont en lien avec les consignes adaptées et progressives indiquées sur chaque fiche. Par un lien internet, la fiche renvoie à un matériau multimédia pédagogique : infographies, photos, plans, vidéos, tutos, web-conférences, cartes mentales, diaporamas, articles, animations, simulations, ou même cours, déjà présents, ou pas, sur Internet. Le repérage préalable des ressources, de qualité et libre de droits, comme les MOOC, incorporés tout ou en partie, peut être complété par la création.
3) Quels suivis des usages de ces supports pédagogiques ?
Dans un parcours établi, chaque apprenant prendrait connaissance de la succession des travaux attendus via la réception cadencée et ajustée des fiches au format .pdf. Un simple envoi par mail, en fichier attachée peut être activé ! On peut aussi envisager une distribution via les réseaux sociaux numériques ou, pour des cohortes plus élevées, l’usage d’une plate-forme de téléformation (LMS), comme Claroline Connect, outil belge. Cette logique de mise en activité, en partie intégrant un éloignement géographique, entre « apprenants et appreneurs », mais aussi entre apprenants (pairagogie) ne peut durablement perdurer sans une valorisation et une diversification des interactions : « Mieux j’interagis mieux je me forme ! » (2). Le territoire internet sur lequel va se dérouler ces « dispositifs, ici incités », nous donne la possibilité d’instaurer positivement de la proximité numérique autour de deux types génériques d’interactions : les différentes formes complémentaires de productions et d’évaluations !
Pour cela, j’ai mobilisé deux outils digitaux. Le premier porte la fonction Wiki (3) : Framapad. Il permet de recueillir et de valoriser la qualité des réponses données aux questions posées. Il incite aussi les apprenants à poser à leur tour de nouvelles questions, le tout publié dans un espace collaboratif, et donc, partagé. Le second porte la fonction Création et exploitation de formulaire en ligne : Framaform. Avec cet outil, des activités d’auto-évaluation, d’évaluation formative et certificative sont installées tout au long du parcours, ainsi régulé. Cette organisation aussi permet d’assurer et d’attester de la réalité et de la pertinence des parcours de formation à distance de type FOAD. On s’appuie ici sur une autre règle féconde des quatre C :
Communication
Collaboration
Créativité
Esprit Critique.
Les outils web 2.0 portent en partie cette dynamique.
4) Quels plus ? les outils numériques synchrones et les réseaux sociaux numériques
Mes expériences dans le champ des actions de formation, le plus souvent partiellement mais maintenant aussi entièrement à distance avec les DOM/TOM ; m’amènent à souligner l’importance à accorder aux relations synchrones avec les apprenants, à chaque fois que c’est possible. Pour cela, j’active deux types d’interactions synchrones individuelles (en temps souples) avec un outil de «visiophonie» (Skype) et collectives (en temps contraints) avec un outil québécois de «Classe Virtuelle» (Classilio Via) ou bien avec Framatalk. Ces échanges rythment les parcours en ouvrant des espaces d’écoute et d’échange indispensables pour entretenir la motivation et consolider l’implication de chacun des apprenants. Cette dimension sociale des apprentissages (4), dans les conditions aujourd’hui imposées par une possible forme de quarantaine, se retrouve fortement dans les usages pédagogiques communautaires des réseaux sociaux numériques. À ce titre, j’utilise régulièrement les groupes (Facebook & Whats’app) et j’encourage l’auto-organisation des apprenants avec leurs propres outils et espaces numériques.
Surprenant déclencheur positif limitant la «co-présence» systématique en formation !
La mise à distance « obligée » des apprenants, et donc des équipes pédagogiques, est aussi une réelle opportunité pour conforter leurs compétences à s’adapter et à s’autonomiser. On doit juste assurer aussi un accompagnement en lien avec leur culture et pratique du numérique ! Pour les organismes de formation, les partenariats avec des tiers lieux facilitent le couplage entre territoires métrique et numérique. La pertinence de nos dispositifs hybridés repose, en partie, sur la qualité et la diversité des interactions qu’ils généreront aux profits d’un nombre adéquat d’apprenants. En France, le cadre réglementaire, associé à la loi de 2018, encourage (enfin) ces innovations : les actions de formation multimodale.
L’auteur
Jean Vanderspelden
Depuis Janvier 2010, Jean Vanderspelden est consultant « Apprenance, FOAD, Numérique & Territoires » chez ITG Formation à Paris (www.iapprendre.fr).
(1) Actions de formation multimodale intégrant de la distance pour des parcours de professionnalisation courts concernant des groupes de 16 apprenants accompagné par un formateur.
(2) Mon nouveau slogan en première page de mon site professionnel : www.iapprendre.fr
(3) Outil en ligne portant la fonction d’écriture collective synchrone/synchrone ; plus-value pédagogique collaborative.
(4) «On apprend toujours seul, mais jamais sans les autres !», repris par Philippe Carré
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